Dissonances & Dissidence... (Histoire des Arts) publié le 20/02/2010  - mis à jour le 17/05/2010

L’objectif de ce chapître est d’appréhender l’apport d’une création artistique dans le contexte des réalités de l’histoire (pouvoirs politiques, guerres,etc.). Il sera question du pouvoir expressif de la musique, du sens et de la charge émotionnelle que peuvent endosser de simples et éphémères constructions sonores. Nous travaillerons ces questions, en lien avec le programme d’Histoire de 3e, dans le contexte de la Russie du XXe siècle. Les compositeurs abordés seront Prokofiev

et Chostakovitch

qui resteront comme 2 immenses créateurs dont les œuvres auront particulièrement intégré les épreuves liées à l’histoire de leur pays.

Fiche cours (PDF de 155.2 ko)


Plan du cours :

1) Notion de dissonances-consonnances.
Qu’est-ce qu’une consonnance, une dissonance ? Respectivement, que peut-on leur charger d’exprimer ?

Illustration sonore :
 Rappel (Sketche Kaamelott)
 Début de Roméo & Juliette (Ballet de Prokofiev)

2) Intervention du Pouvoir dans la liberté créatrice
Extraits du DVD de Bruno Monsaingeon "Notes Interdites"
 Tikhon Khrennikov chante "Aliochka"
 Cantate de Prokofiev "Zdravista"
 Décret émanant du "Congrès des compositeurs" (1948)
 Symphonie n°8 de Chostakovitch : "Ce n’est pas de la musique !" Lien
 Lien Article Chostakovitch et Staline
 Lien sur le rôle de Jdanov

3) La réalité historique au sein de la composition musicale :
 Symphonie n°10 de Chostakovitch
1
Version Orchestre filmé


Version avec images d’archives historiques :


Lien vers un article très complet sur le cas Chostakovitch

4) Activité Musicale :
Chant : "Russians" paroles de Sting / musique inspirée du thème de la suite pour orchestre n°2 de Prokofiev, elle-même inspirée de la nouvelle "Lieutenant Kijé" de l’écrivain Iouri Tynianov

Russians/Sting (PDF de 58.8 ko)

Lien pour la chanson et les paroles "Cliquer ICI"

5) Lien vers M.Rostropovitch

6) En Peinture :
Si la dissonance est expressive pour la musique, le courant pictural qui exacerbe l’expression est l’expressionnisme (il date de la toute fin du XIXe).
La recherche de la dissonance est également revendiquée comme principe en soi pour l’Art en général par Kandinsky, notamment et de façon explicite dans une lettre à Arnold Schönberg compositeur viennois . En Russie les novateurs sont aussi frappés d’ostracisme et de condamnation. C’est justement le cas de Kandinsky, le père de l’Art Abstrait (voir ses œuvres) et de certains de ses compatriotes (Kasimir Malevitch)
Voir aussi ce LIEN.

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(1) 1 La Symphonie N°10, en mi mineur, op. 93 date de 1953. Le 5 mars 1953, Staline et Prokofiev disparaissent, tous deux frappés d’une attaque cérébrale. Chostakovitch et Khatchatourian en profiteront pour figurer parmi les premiers à revendiquer un retour à la liberté artistique, Chostakovitch allant jusqu’à écrire un article dans la Pravda en novembre 1953, dans lequel il déclare qu’il « importe de reconnaître le droit de l’artiste à l’indépendance, d’explorer hardiment les chemins nouveaux ». Ce commentaire paraît quinze jours avant la création de la Dixième Symphonie, à Leningrad, sous la direction d’Evgeni Mravinski. Immédiatement, tous les auditeurs ont perçu cette œuvre comme un règlement de compte avec Staline et les horreurs des deux décennies passées. Les critiques soviétiques n’étaient toutefois pas encore prêts à franchir le pas et se sont alors étendus en propos peu flatteurs sur le pessimisme de la partition, sur cette œuvre dénuée d’espoir et partant tout le contraire d’une société socialiste en marche, par définition, vers un avenir radieux… Devant le succès de la symphonie, on s’accordera finalement à la considérer comme une « tragédie optimiste » ! Peu importe, c’est aujourd’hui l’une des œuvres maîtresse du répertoire symphonique du XXème siècle et sa présence au répertoire est au-delà des mesquineries sémantiques d’un régime qui a perdu son chef. En ce sens, cette œuvre est à la musique ce que le fameux discours de Khrouchtchev fut à la politique soviétique. La fin d’une époque et la revendication d’un progrès qui ne pourra pas se faire aussi facilement qu’escompté.

Le premier mouvement, Moderato est d’une dimension monumentale et l’expression de sentiments d’une profondeur rare dans le romantisme tardif. C’est le résumé du pessimisme, du désespoir, de la brutalité et de l’oppression de la période stalinienne. La partie des cordes tourne en rond à la recherche d’une issue impossible avant une citation de la Symphonie N°2 de Gustave Mahler, sur les mots du lied Urlicht : « Der Mensch liegt in grösster Noth ! ». L’on ne saurait mieux dire ! Les pupitres des bois de l’OSR, surtout la clarinette et le basson, nous ont fait entendre des parties de toute beauté ce soir là, dans une richesse de timbres qui est celle de l’OSR lorsqu’il est bien dirigé.

L’Allegro a fait la célébrité de la partition et est un Scherzo d’une intensité terrifiante. Bien qu’il ne mesure que le cinquième du mouvement précédent, il ne paraît pas plus court et eût été réellement insupportable plus long. Dans ses Mémoires, Chostakovitch écrivait à son sujet : « Il est difficile de dessiner l’image d’un homme politique mais ici j’ai rendu son dû à Staline ; avec moi il a trouvé chaussure à son pied. On ne peut guère me reprocher d’éviter un phénomène repoussant de notre réalité ».

Le troisième mouvement est un Allegretto qui s’apparente également à un Scherzo, avant l’Andante final, qui fut la seule partie de la partition à réellement satisfaire son auteur. Dans le motif qui lui sert de signature, ré-mi bémol-ut-si, soit dans la notation allemande D-Es-C-H, les initiales du compositeur dans sa translitération allemande, et qui se répand à tout l’orchestre, Chostakovitch accomplit sa vengeance.