Le Jazz, les médias et les adolescents... publié le 08/10/2015

compte-rendu avec FORUM de DISCUSSION

A l’occasion du Festival Jazz entre les 2 tours 2015, France Musique s’est payé d’un petit reportage qui repose la question des pratiques musicales dans la société. Particulièrement celle du jazz dans un contexte sociologique peu en phase.

France Musique 08/10/15 (MP3 de 5.2 Mo)

Cécile de Kervasdoué nous présente un dossier du jour consacré au festival de Jazz de la Rochelle

Cette question nous rappelle un travail sur le jazz publié ici en 2007 (Article du 29 octobre) intitulé :
"Le Jazz, les médias et les adolescents..."

Le Festival Jazz de La Rochelle "Jazz entre les 2 tours" ouvrait son éditorial de la façon suivante :

"Jazz Entre Les Deux Tours » fête ses dix ans d’existence ! Dix ans consacrés à défendre et promouvoir une musique totalement exclue des médias, largement minoritaire dans le pays ! Dix ans à donner à plus d’un millier d’artistes – très majoritairement régionaux et nationaux - répartis sur quelque 200 lieux de concerts, l’occasion d’exprimer leurs différentes sensibilités au travers de manifestations respectant la quasi-totalité des grands courants du jazz ! Dix ans à ne jamais concéder à la mode, aux tendances. Dix ans, enfin, à maintenir une qualité de programmation qui aura permis de fidéliser un public de plus en plus large et de plus en plus exigeant."

Tous les élèves de 3e du collège Fromentin étaient invités, dans le cadre d’un travail de dossier portant sur l’évènement, à répondre à la difficile question inspirée par ce texte d’introduction : "Donnez 3 raisons qui, selon vous, excluent le jazz des médias et qui en font la musique d’une minorité de la population".

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En guise de compte-rendu d’enquête, voici quelques citations qui révèleront tantôt une clairvoyance de la part des adolescents tantôt un formatage symptomatique d’un manque de recul sociologique. Certains élèves, peut-être en manque d’inspiration personnelle, ont manifestement éprouvé le besoin de se documenter tandis que d’autres répètent des lieux communs sans volonté ou capacité de les remettre en cause...

(Citations exactes - extraites de copies d’élèves de 3e)
"Les médias suivent la jeunesse."
"Musique très peu enseignée."
"Les managers du Jazz ne sont pas assez dynamiques."
"Prix des places trop élevé pour les jeunes."
"Musique américaine, peu diffusée en europe."
"Musique inventée par des noirs."
"Musique instrumentale plus exigente pour l’écoute."
"Le jazz ce n’est plus une mode, c’est une époque."
"Le jazz s’écarte d’une musique de divertissement. Le Jazz a perdu son contact avec la jeune génération."
"Le jazz est accessible à des personnes ayant été formées à la musique or le jazz n’est pas présenté à la télévision et peu à la radio, la population ne peut pas facilement entrer en contact avec cette musique."
"Le jazz a été associé aux narcotiques pendant un long moment."
"Style musical issu des noirs donc raciste envers les blancs."
"Le jazz a une étiquette de musique pour personnes agées."
"Malgré qu’il soit toujours aussi beau, le jazz commence à se faire vieux."
"Le free jazz a eu un effet de repoussoir."
"Musique qui n’a pas un poids commercial assez important pour toucher des auditeurs qui sont victimes d’un matraquage incessant des nouveaux styles de musique diffusés par les nouvelles techniques."
"Il n’y a pas assez de concerts de Jazz dans les petites villes"
"Musique qui s’adresse à un public d’avertis, d’initiés."
"Le jazz est une vieille musique, une musique d’anciens."

La diversité des réponses est intéressante, on aurait pu aussi relever "l’improvisation", "la faiblesse du rythme", "le manque de tendance" etc. comme autres facteurs explicatifs cités.

La sociologie de la musique, car c’est bien à ce domaine que l’on touche, est une science complexe mais intéressante qui, au niveau du collège, est seulement une sollicitation à la prise de conscience pour les élèves, les amenant au mieux à réfléchir sur leur propre consommation musicale. Pour le Jazz, on se rend compte qu’il est, comme toutes les musiques, un marqueur socioculturel mais qu’il n’est pas, on le savait avant ce dossier, celui des ados. Cependant, ceux-ci rarement le rejettent pour ce qu’il est musicalement, se sentant un peu étranger à un univers perçu comme respectable mais difficile, élitiste et dépassé. Selon le rôle et l’implication que l’on aura comme musicien, pédagogue ou responsable culturel, il parait important d’avoir une réflexion sur cette perception de la jeunesse et d’avoir conscience du fait commercial au sein de notre société - qui d’ailleurs n’échappe pas aux enfants du XXIe siècle - afin de rétablir les enjeux primordiaux, ceux du plaisir musical partagé dans une culture la plus riche et large possible, ceux de l’ouverture et de la liberté, de la mémoire et de la créativité, ceux de l’individuel intégré au collectif - ces enjeux que, finalement, le Jazz incarne si bien.