Conférence de Monsieur Belz du conservatoire du littoral publié le 16/01/2019

Préparation à l'épreuve de Géographie du concours de l'ENS Session 2019

Compte-rendu de la Conférence de Monsieur Belz du conservatoire du littoral, 10/01/2019.

Jeudi 10 janvier 2019 la classe de khâgne a suivi dans la magnifique salle des grands salons de la mairie d’Angoulême la conférence de Monsieur Belz délégué du conservatoire du littoral pour la région Centre Atlantique regroupant les départements de la Charente Maritime, de la Vendée et de la Loire Atlantique. Crée en 1975 et organisé en 10 délégations (dont une délégation pour l’outre mer et une délégation européenne permettant de vrais échanges d’expériences avec d’autres pays) le conservatoire du littoral emploie 180 agents et a pour fonction de mener une politique de protection du littoral, espace soumis, comme on le sait, à une très forte pression foncière.
Le littoral français constitue effectivement un espace singulier dans la mesure où sur une profondeur de 500 mètres se concentre 6 fois plus de logements, au sein de terrains davantage artificialisés (notamment dans le cadre de polders), accueillant une densité deux à trois fois supérieure à la moyenne nationale (285 hab./km²). Le littoral constitue également le premier espace touristique (avec le tiers des nuitées touristiques). Face à la pression foncière et à la dégradation de nombreux sites dans le contexte des 30 glorieuses et de l’explosion des flux touristiques, le gouvernement Messmer sous la présidence de Georges Pompidou, à l’initiative d’Olivier Guichard (maire de La Baule) décida de créer une structure publique ayant pour mission de canaliser cette pression foncière, d’éviter la dégradation des sites littoraux et de re-naturaliser certains sites en cours de dégradation (ce sera à la fin des années 1990 le cas de la pointe du Raz).

De 1975 à aujourd’hui le conservatoire du littoral a ainsi acquis 200 000 hectares (soit environ 13% du littoral français mais jusqu’à 25% en Corse), chiffre qui devrait être porté à 320 000 hectares en 2050 selon « la stratégie foncière d’intervention » planifiée pour 2015-2050 et impulsée à l’origine par le Grenelle de l’Environnement de 2007. Les trois quart des acquisitions se font à l’amiable avec des particuliers qui souhaitent revendre (en cas de succession notamment), certaines acquisitions se font par droit de préemption lorsque le département classe une partie d’un littoral « espace naturel sensible (ENS) » donnant ainsi tout loisir au conservatoire de se porter acquéreur des sites convoités ; plus rarement quelques cas d’expropriation existent si la multiplication des acteurs rend compliqué l’intervention du conservatoire. On voit ici à quel point la force des pouvoirs publics et du poids de l’Etat est nécessaire pour mener à bien une politique de protection efficace. Les sites acquis par le conservatoire rentrent ainsi dans le domaine public et sont inaliénables (on ne peut les morceler) et imprescriptibles (on ne peut décider d’annuler la transaction passée pour les reverser dans le secteur privé).

Mais protection ne signifie pas, contrairement à ce que l’on croit souvent, mise sous cloche des sites acquis et absence de la présence humaine, mais au contraire se décline par de multiples gestions possibles. Le conservatoire rétrocède ainsi la gestion à différents acteurs en priorité les communes qui peuvent alors, dans certains cas, ouvrir ces sites au public. C’est le cas de la mairie de Château d’Olonne en Vendée qui a rendu accessible à tous un site dunaire de 23 hectares en aménageant des pistes cyclables à la place d’un ancien circuit automobile longtemps fermé au public. Les agriculteurs sont aussi, sous contrat de fermage et dans le cadre de convention, renouvelable tous les 6 à 9 ans, des acteurs de gestion des sites acquis par le conservatoire du littoral pourvus qu’ils s’orientent vers des pratiques extensives et durables. Aujourd’hui 1200 exploitants agricoles occupent et entretiennent des terrains acquis par le conservatoire. Les départements à travers la mise en place d’espaces naturels sensibles (ENS) là encore ouverts au public dans le cadre d’un éco-tourisme sont d’autres acteurs de gestion, au même titre que des associations comme la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) dont on sait qu’elle joue un rôle majeur dans certaines réserves ornithologiques comme celle de la baie d’Arcachon. C’est la multiplication des formes de « l’Habiter » (au sens de Mathis Stock) qui frappe lorsque l’on réfléchit aux sites acquis par le conservatoire du littoral (qui ne gère donc directement aucun site).

Par ailleurs le conservatoire a intégré dans son document sur la stratégie foncière d’intervention 2015-2050 l’enjeu du recul du trait de côte. Les derniers rapport du GIEC l’évaluent en moyenne entre 80 cm et un mètre d’ici la fin du siècle. De fait c’est 20% de la surface du rivage qui sera ainsi définitivement sous les eaux. Dans ce cadre c’est toute la stratégie de la gestion du trait de côte qui se trouve repensée. Au politique de protection par le bétonnage et les structures rigides (à long terme inefficace) se substitue progressivement une « politique de gestion souple du trait de côte » (pour ne pas utiliser le terme de « recul stratégique » même si dans les faits cela revient un peu au même ). Le programme life adapto initié par le conservatoire du littoral avec le soutien de nombreux partenaires comme l’ULCO (université du littoral de la côte d’Opale ) ou l’Université de la Rochelle et qui bénéficie du soutien du programme européen life souligne ici la nécessité de repenser l’utilité des marais maritimes des littoraux tempérés (et des mangroves sous les tropiques au sein des DROM comme en Guyane).

De fait Monsieur Belz a bien insisté sur la plus-value à de multiples points de vue que représentait le maintien de marais maritime plutôt que leur transformation en espace agricole. Certes dans un premier temps la mise en culture (végétale) de ces espaces d’anciens marais semble valoriser les structures foncières ( les terres en culture valant beaucoup plus que les espaces marécageux et les zones humides) et permet de dégager un Revenu. Brut d’Exploitation (plus ou moins important). Cependant à plus long terme la réhabilitation du marais maritime permet d’accroître la résilience face aux tempêtes et à l’érosion du littoral, maintient une plus importante biodiversité, valorise l’aspect paysager et patrimonial du lieu ouvrant la porte à un possible éco-tourisme, permet de fixer bien davantage de C02 (au lieu d’en émettre) et contribue ainsi à limiter le réchauffement climatique mondial sans compter les revenus qui pourraient être tirés d’une activité de conchyliculture utilisant l’apport naturel en eau de mer qui pénétre dans les terres. Ainsi le gain global de la protection l’emporte nettement sur le coût d’intervention et de gestion. Le conservatoire et ses partenaires apparaissent comme des créateurs de valeurs, y compris des valeurs de bien-être et de cadre de vie préservé qui ne se mesurent pas financièrement.

Comme on le voit , Monsieur Belz a réalisé ce 10 janvier 2019 une conférence très riche qui fut particulièrement bien appréciée par les étudiants de khâgne en vue de leur préparation à l’épreuve de Géographie du concours de l’ENS Lyon 2019 ; qu’il en soit ici chaleureusement remercié, ainsi que la mairie d’Angoulême (et Monsieur Vincent You) pour nous avoir permis de la réaliser dans de très bonnes conditions.