Le miroir dans la représentation de soi publié le 03/10/2007

Le thème du miroir dans la peinture permet d’introduire un certain nombre de notions dont Le mythe de narcisse, le premier miroir et l’amour de soi à travers la représentation.

Narcisse, Le Caravage, 1595

Le mythe de Narcisse.

 Toute représentation de soi implique l’utilisation d’un miroir.
On peut alors convoquer la dimension magique de celui-ci et se remémorer le conte de Lewis Carroll,«  De l’autre côté du miroir » où le passage d’Alice dans un autre monde se fait par l’entremise du miroir.

Dans la peinture et notamment l’autoportrait, les utilisations du miroir sont diverses :

La ressemblance avec une dimension expressive.

 Van Gogh : « j’ai acheté exprès un miroir assez bon pouvoir travailler d’après moi à défaut de modèle ». Nous sommes assez loin, ici, du mythe de Narcisse, puisque l’artiste se représente faute d’un "meilleur" modèle.
L’autoportrait présenté aux élèves permet de mettre en lumière la dimension expressive propre à l’artiste. On retrouve dans le fond du tableau comme dans la forme, des lignes sinueuses qui renforcent le caractère "angoissé" du portrait.

Van Gogh, Portrait de l'artiste, 1889

Mise en scène dans la représentation de soi.

 Rembrandt : multiplie les autoportraits en utilisant le travestissement. Jeune, riche, vieux, pauvre, quelle est ici ce jeu ?
Quête d’identité ? Narcissisme ? Désir d’immortalité de son effigie ? Observation de la vieillesse ? Ou tout simplement exercice de style ?

Rembrandt, Autoportrait, 1660

Des autoportraits de Rembrandt

"Je suppose qu’au fond il se foutait d’être bon ou méchant, coléreux ou patient, rapace ou généreux... Il fallait n’être plus qu’un regard et une main. De surcroît, et par ce chemin égoïste, il devait gagner - quel mot ! - cette sorte de pureté si évidente dans son dernier portrait qu’elle en est presque blessante. Mais c’est bien par le chemin étroit de la peinture qu’il y arrive.
Si je devais, schématiquement, grossièrement, rappeler cette démarche - une des plus héroïques des temps modernes - je dirais qu’en 1642 - mais l’homme n’était déjà pas banal - le malheur surprend, désespère un jeune ambitieux, plein de talent, mais plein aussi de violences, de vulgarités et d’exquises délicatesses.
Sans espoir de voir un jour le bonheur réapparaître, avec un effort terrible, il va essayer, puisque seule la peinture demeure, de détruire dans son oeuvre et en lui-même tous les signes de l’ancienne vanité, signes aussi de son bonheur et de ses rêves. À la fois, il veut, puisque c’est le but de la peinture, représenter le monde, et à la fois le rendre méconnaissable. "


Jean Genet
, Le secret de Rembrandt - 1958

Le miroir, vanité

 Goya : « Les Vieilles ou le temps », le miroir est ici un instrument narcissique et dénonce la vanité de toute chose face à la fuite du temps.

Goya, "Les Vieilles ou le temps", 1808-1812

"L’ultime question est posée crûment au revers du miroir : « que tal ? », « comment ça va ? ». Question par laquelle, et contre laquelle, la vieille coquette se jauge encore à l’article de la mort."

Une analyse du tableau

Le miroir comme une fenêtre sur un moi intérieur

 Delvaux : l’image vue à travers le miroir n’est pas la réalité. Elle convoque l’univers surréaliste de l’ illusion et du rêve.

Paul Delvaux, "le miroir", 1936

Alors que le miroir est placé devant la femme, il ne reflète jamais la femme telle qu’elle est.
Le miroir reproduit le "Je" de la femme sans la reproduire elle-même.
Il agit ici comme une sorte de fenêtre qui ouvrirait sur un espace projeté, un négatif de la réalité (l’intérieur/l’extérieur). Alors que dans le monde réel, la femme est habillée et assise dans une chambre délabrée et sombre, dans le monde reflété, elle est nue et se tient dans un extérieur lumineux.

Le miroir et l’espace reflété

 Van Eyck : « Le mariage des époux Arnolfini », où le miroir joue un rôle de démultiplication de l’espace, augmente la profondeur de champ. Il s’agit également d’une forme de témoignage de la présence du peintre à la scène.

Van Eyck, "Le mariage des époux Arnolfini", 1434

Comme souvent chez Van Eyck, le sujet officiel de la peinture n’est qu’apparent. Il s’agit d’illustrer un mariage, bien sûr, mais aussi d’entreprendre des recherches picturales, de tenter de capturer le monde en deux dimensions. En vérité, le véritable sujet de ce tableau est en son centre, et c’est le miroir.
Un miroir convexe composé d’un mélange de verre et de métal, enchâssé dans un cadre de bois. Dix médaillons le décorent, illustrant des scènes de la Passion du Christ. Dans ce miroir, le reflet de deux personnages. L’un en rouge, l’autre en bleu. Il s’agit sans aucun doute des deux témoins du mariage, convoqués pour attester de la régularité de ce mariage. L’un de ces deux témoins est peut-être Jan Van Eyck lui-même, qui a écrit sur le mur au-dessus du miroir : Johannes de eyck fuit hic (était là) au lieu de fecit (l’a fait).

jpg_arnolfini_miroir

 Vélasquez : « Les ménines », où le miroir joue aussi le rôle de démultiplication de l’espace et révèle le véritable sujet du tableau.

Vélasquez, "Les Ménines", 1656

Une analyse du tableau

De multiples autres pistes de réflexion sont ouvertes concernant le miroir dans la peinture et le portrait :
 l’utilisation du miroir pour rendre un fragment de la réalité, toujours débordante par rapport à l’espace de la représentation. C’est ce que l’on retrouve chez Bonnard et ses peintures de Marthe à sa toilette.

 Le miroir déformant : Le Parmesan, 1532 ou même Escher.

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