11 novembre 2014 publié le 10/11/2014

Centenaire 14-18

Pour le 96e anniversaire de l’’Armistice du 11 novembre 1918, dans le cadre des commémorations du Centenaire 14-18, France 2 offre une riche programmation en ce jour férié, intéressante pour les élèves de 3ème mais aussi les autres collégiens.

La Première Guerre mondiale, guerre totale et guerre d’usure, est marquée par les progrès de l’industrie de l’armement. Des millions de soldats sont morts dans les tranchées, dont plus d’un million de poilus français lors de batailles telles que celle de la Marne, de Verdun ou du Chemin des Dames. Les civils subissent les conséquences de la guerre sous différentes formes, notamment lors du Génocide arménien. S’achevant le 11 novembre 1918, par l’armistice à Rethondes, ce conflit a profondément bouleversé les Européens et l’Europe. Cette page insiste sur le Centenaire de la Première Guerre mondiale, avec de multiples liens en direction de sites traitant de 1914-1918.

Interview d’Antoine Prost, par Véronique Soulé, le 25 janvier 2013
« La mémoire de 14-18 vient d’en-bas »

L’historien Antoine Prost, professeur émérite de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, préside le comité scientifique de la Mission centenaire 2014 créée pour les commémorations de la Première Guerre mondiale. Il revient sur la passion des Français pour ce conflit.

Pourquoi la guerre de 1914-1918 intéresse-t-elle tant les Français ?

On aurait pu penser que la mémoire de la Première Guerre mondiale s’éteindrait progressivement. Or elle ne cesse de se faire plus présente et plus insistante. On assiste à une montée de cette mémoire dans l’opinion publique. [...] La mémoire sociale et familiale de la Première Guerre mondiale est extrêmement présente dans notre société, avec toute une série d’interrogations sur le conflit.

Cela se traduit aussi par la création de nouveaux musées. Le premier qui y est consacré, voulu et réalisé par d’anciens combattants, est le mémorial de Verdun, dans la Meuse, inauguré en 1967. Depuis, deux autres musées, beaucoup plus ambitieux, ont vu le jour : l’Historial de Péronne, dans la Somme, en 1992, et le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. Ouvert le 11 novembre 2011, il a déjà reçu 145 000 visiteurs ! Sur le champ de bataille du chemin des Dames, le département de l’Aisne a aménagé un espace muséal relié à la Caverne du dragon (souterrain utilisé par les Allemands). Des centres d’interprétation et des musées de la guerre apparaissent tout le long de la ligne de front, à Albert (Somme), à Suippes (Marne), etc.

Quelles sont les questions qui reviennent autour de la Grande Guerre ?

La question la plus insistante est celle du vécu des soldats, parce qu’aujourd’hui, ce conflit nous paraît incompréhensible. Comment expliquer qu’autant de gens se soient battus aussi longtemps dans des conditions aussi difficiles ? Et comment a-t-on pu accepter autant de morts ? Autant d’invalides ? Comment comprendre ce phénomène qui nous semble si étrange ?

Cela explique-t-il le regain d’intérêt ?

Nous vivons dans une société très différente, la France était alors rurale, très rude. Nous habitons aujourd’hui majoritairement en ville, dans le confort. Nous avons des loisirs, des congés. Sans parler de la radio, de la télévision, d’Internet, des portables, etc. Nous sommes surinformés. Tout se sait tout de suite. Il y a les Nations unies, l’Europe, l’euro… Le sentiment national a changé : il demeure, mais il doit compter avec d’autres solidarités vécues. Le service militaire a disparu. Le rapport entre l’armée et la nation n’est plus du tout le même. En 1914, l’armée, c’était la nation en armes. 8 millions d’hommes ont été mobilisés, c’est énorme ! Aujourd’hui, l’armée est un corps de professionnels chargé de missions ponctuelles dans des territoires lointains. Ce n’est pas comparable.

Le rapport de la société à la mort est aussi très différent. En 1900, un enfant né vivant sur cinq mourait avant l’âge de 5 ans ! Durant la guerre, la mort frappait à tout instant. On a perdu 1 400 000 hommes sans qu’aucun soutien psychologique ne soit mis en place. Aujourd’hui, la perte d’un soldat en Afghanistan est vécue comme un traumatisme. Les pratiques de deuil et les rites funéraires aussi ont changé. Avec un tiers de crémations désormais, la question du lieu où enterrer les soldats morts - au front ou chez eux ? - ne se poserait pas de façon aussi vive qu’en 1919-1920. [...]

Cet intérêt est-il spécifique à la France ?

Non, c’est un phénomène mondial. On verra des Sud-Africains, des Néo-Zélandais, des Russes, des Tchèques, participer à ce centenaire. Les Australiens vont venir par milliers. Lorsqu’on a inauguré en 2010 le cimetière de Fromelles, dans le Nord, ils étaient déjà un millier. [...]

Ce jubilé n’aura pas la même signification pour tous. Qu’en est-il pour les Allemands ?

Pour eux, c’est compliqué. La mémoire de la guerre de 1914-1918 est une mémoire pénible, de défaite, qui débouche sur le nazisme. En plus, ils n’ont pas de lieux auxquels rattacher des commémorations. Les Canadiens ont Vimy, près de Lens, dans le Nord, avec le grand monument érigé sur la crête qu’ils ont enlevée au prix de milliers de morts entre le 9 et le 12 avril 1917. Les Australiens ont Villers-Bretonneux (Somme), les Américains, les Néo-Zélandais ont aussi leurs lieux de mémoire marqués par des monuments. [...]

Il y aura des commémorations communes. Sur quelles bases les organiser avec les Allemands ?

Ils peuvent aborder ces célébrations davantage par le biais de la construction internationale et du « plus jamais ça », avec la création de la Société des nations à la suite du traité de Versailles, puis celle de l’ONU après la Seconde Guerre mondiale (l’Organisation des Nations unies a été instituée le 28 octobre 1945). Ce qu’ils ont en commun avec nous, c’est la volonté d’éviter le retour de la guerre. La construction de l’Europe repose sur ce traumatisme. Il y a donc bien quelque chose d’essentiel à partager. [...]

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