Le monument publié le 18/04/2010  - mis à jour le 20/12/2010

Introduction du sujet


Il s’agira de démarrer cette séquence par une série de questionnements :

 C’est quoi un monument ?
 De quoi est-il constitué ?

    • Un socle ou un piédestal
    • Une sculpture érigée au-dessus
    • Des inscriptions
    • Des matériaux liés à une notion de pérennité : le bronze, le marbre ou la pierre…

Des exemples classiques seront mis en parallèle avec des exemples contemporains qui remettent en question un certain nombre d’éléments.

 Il a une certaine relation à l’espace :
Le monument est posé dans l’espace public, en lien avec ce qu’il représente.
 Le spectateur est invité à une certaine manière de l’appréhender : tourner autour, passer devant, s’asseoir à côté, entrer dedans…

 Le monument a une fonction commémorative :

    • célébrer un héros, un personnage célèbre (exemple : Le Monument à Staline)
    • un événement heureux ou malheureux (une victoire militaire / le monument aux morts)
    • constituer un symbole : la paix, la liberté…(exemple de la statue de la Liberté)

On demandera aux élèves de citer les monuments dans le monde qu’ils connaissent, en France, à La Rochelle.

Analyse d’image avec la classe


Cas de Balzac : laquelle des deux est devenue monument public ? Pour quelles raisons ?

  • « Le monument à Balzac » de Rodin, bronze, 1898, Musée Rodin, Paris. 2,70 × 1,20 m.
Balzac de Rodin

La représentation de Balzac par Rodin rend compte d’une recherche plastique ce qui l’apparente davantage à la sculpture qu’à la statuaire. Le personnage est très expressif, drapé dans son long manteau. Il est représenté la tête haute, le regard au loin, presque hautain, supérieur. Il est posé sur un socle de petite dimension lui même posé sur un autre socle, ce qui ramène l’homme au niveau du spectateur mais le rend par là même encore plus monumental (cf ses dimensions).
Il est en bronze, patiné, matériau pérenne par excellence et prouve un attachement à la fonction classique du monument : faire passer à la postérité, immortaliser.
Cette représentation a fait scandale lors de la présentation d’un modèle en plâtre au Salon de la Société Nationale des beaux-arts de 1898 dû au parti pris esthétique choisi par la sculpteur.
En effet, Balzac n’est pas mis en valeur physiquement par le sculpteur mais c’est comme si celui-ci avait cherché à rendre la personnalité de l’écrivain comme en témoigne l’étude du buste ci-dessous.

C’est pourquoi, la commande faite à Rodin n’a pas été retenue et que c’est la représentation faite par Falguière, un sculpteur de moindre renommée qui figure au carrefour de l’Avenue de Friedland et de la rue Balzac.

  • « Statue d’Honoré de Balzac », Falguière, bronze, 1902, Paris
Balzac de Falguière

La place du socle est ici comparativement énorme. Il est en effet presque plus grand que la sculpture elle-même. Y figurent les indications commémoratives : le nom, la date.
La sculpture est juchée tout en haut ce qui nous la fait voir en contre-plongée. Le socle remplit donc ici une fonction classique : élever, mettre à distance, mettre en valeur et entraîner le regard vers le haut.
Le personnage a une position assise, calme, méditative. Cela pourrait être presque n’importe qui d’autre. Ne figurent pas d’attributs particuliers qui pourraient nous faire identifier l’écrivain.

Les contradictions que cela soulève :
L’une est demeurée célèbre bien que refusée par rapport à la commande publique, on peut la voir au musée.
L’autre est devenue la représentation commémorative officielle de Balzac, dans la rue, mais oubliée. Elle ne remplit donc pas sa fonction commémorative.
Le manque d’engagement dans la commande publique est-il responsable de l’oubli dans lequel tombent les monuments commémoratifs ?

Robert Musil :
« Entre autres particularités dont peuvent se targuer les monuments, la plus frappante est, paradoxalement, qu’on ne les remarque pas. Rien au monde de plus visible. Nul doute pourtant, qu’on ne les élève pour qu’ils soient vus, mieux, pour qu’ils forcent l’attention ; mais ils sont en même temps, pour ainsi dire, « imperméabilisés », et l’attention coule sur eux comme l’eau sur un vêtement imprégné, sans s’y arrêter un instant. »


Ce paradoxe ouvre une piste d’exploitation possible :

Comment faire réapparaitre ou redécouvrir ces sculptures tombées dans l’oubli ?

Quelques exemples pourraient alors être évoqués :

  • Les empaquetages de Christo et Jeanne-Claude : du « Monument à Victor-Emmanuel » et de celui dédié à Léonard de Vinci.
Christo, Monument de Victor-Emmanuel

C’est en 1970 que les deux artistes transformèrent pour une durée éphémère ces deux monuments commémoratifs, redevenus visibles bien que cachés.

  • « Le Touroscope » de Buren, travail in situ sur une sculpture commémorative situé à Rotterdam, 1988.
Buren, le "Touroscope"

En construisant un édifice autour de la sculpture, Buren nous la montre et nous la fait percevoir autrement. C’est comme une œuvre autour d’une œuvre : le spectateur peut alors monter sur l’échafaudage et se retrouver à la même hauteur que la sculpture, il peut également en observer des détails qu’il ne voyait pas habituellement.

Cette difficulté de créer une sculpture commémorative moderne se retrouve dans un autre exemple : "le monument pour Apollinaire" fait par Picasso.

  • Projet pour « Le Monument à Guillaume Apollinaire », 1928. Monument funéraire pour la tombe du poète.
Picasso, projet pour le monument à Apollinaire

Une sculpture toute en transparence, filiforme qui contredit l’habituelle opacité du monument. La forme est relativement abstraite et non identifiable au premier abord.
C’est en référence à un monument imaginé par Apollinaire lui-même, un « monument en rien » inventé dans une biographie fictive. Il ne s’agit ici ni de bronze, ni de pierre mais de tiges de métal.
La profondeur, la hauteur correspondent au format d’une tombe. Elle symboliserait aussi une antenne de radio, à l’image de la Tour Eiffel, symbole privilégié du modernisme et chanté dans le poème « Zone » d’Apollinaire.
Ce monument est resté à l’état de projet car jugé trop novateur et pas assez traditionnel.

  • « Apollinaire », 1959, bronze, Square Laurent Prache, Paris
Picasso, Monument pour Apollinaire

C’est donc cette sculpture que Picasso a fini par retenir. Elle présente de manière beaucoup plus convenue un buste en bronze de femme (la tête de Dora Maar, sa compagne) sur un socle portant une inscription.
Le style est clairement figuratif, le socle traditionnel et le sens allégorique de la tête de la femme pour symboliser la poésie est une convention acceptée.

« Une des raisons pour lesquelles les monuments publics partout dans le monde n’offrent que très rarement le moindre intérêt est que l’artiste est forcé de produire une œuvre qui plaira à un comité et ainsi, à travers eux, à la masse des gens. »
Picasso

Recherche et présentation d’un monument à La Rochelle


On pourra à la suite de ces analyses et de ces réflexions, demander aux élèves de faire une recherche sur un monument présenté sous la forme d’une fiche.

Liste des monuments possibles à La Rochelle :

 Monument à Eugène Fromentin, 1905, Place des Petits Bancs, Ernest Dubois.
 Monument à Jean Guiton, face à l’hôtel de Ville, 1911, Ernest Dubois
 Le Phare du Bout du Monde, dans la mer face aux minimes, 1998/2000.
 Monument à l’Amiral Duperré, face à la Grosse Horloge
 Le monument aux morts (Verdun) au bout du mail, et celui situé avant la gare
 Monument à Michel Crépeau
 Le "Globe de la Francophonie" de Bruce Krebs ou « De Génération en génération » dans la rue sur les murs.

Ces monuments peuvent faire par ailleurs l’objet d’une visite avec la classe et une éventuelle rencontre avec le sculpteur (Bruce Krebs, Rémy Polack).

Réalisation plastique


Ensuite, les élèves seront amenés à réaliser eux-mêmes un projet de monument.

A quoi aimeriez vous ériger un monument ?

L’élève devra trouver :
 un thème
 un lieu en relation avec ce monument
 une forme
 une participation du spectateur (est-ce qu’on tourne autour, est-ce qu’on entre dedans ?…)
 Produire une maquette à partir de matériaux divers (récupération, carton, plastique, terre...)
Puis réaliser un travail numérique qui permette d’intégrer cette œuvre dans l’espace public.

Voir le travail des élèves.