Qui est Gérard PHILIPE ? Interview d'Anne-Marie, fille de Gérard PHILIPE (ré-édition d'un article de la classe MEDIA de novembre 2009) publié le 07/09/2012

Nous avons pris contact avec Anne-Marie Philipe, qui nous a gentiment répondu. Nous avons d’abord été étonnés parce qu’elle parlait beaucoup de l’engagement politique de son père alors que nous pensions qu’il était juste acteur. Cela nous a permis de mieux comprendre la véritable personnalité de Gérard PHILIPE.

Laissons la parole à sa fille pour mieux vous l’expliquer :

Bonjour à tous et merci de votre curiosité !
Mon père est mort il y a bien longtemps pour votre jeune génération. Vous avez sans doute l’impression de ressusciter un dinosaure du monde culturel !

Les jeunes qui couraient le voir sur scène au TNP ont aujourd’hui 7O ans, l’âge de vos grands-parents.
Il a été une grande idole de la moitié du 20° siècle. Pour vous donner une idée, la renommée de Mickael Jackson, son impact sur l’âme des hommes et des femmes qui l’écoutent, n’arrive pas à la moitié de ce qu’a représenté mon père pour toute une génération en terme d’engagement humain et artistique. Bien sur, Internet et la mondialisation ont fait que Jackson est sans doute connu par plus de gens mais il n’a pas influé sur leur vie, il ne les a pas fait réfléchir sur le sens à donner à leur vie.

Il me parait très important de replacer la vie de mon père dans son époque.

Il est né en 1922, il a donc 20 ans en 1942, pendant la seconde guerre mondiale. Cette guerre, vous le savez, oppose les démocraties (les alliés : Français, Anglais, etc) aux régimes totalitaires (fascistes : Allemands, Italiens, etc). Peu de Français ont réellement résisté à l’occupant allemand. Quand la guerre s’est finie, en 1945, la soif de pureté était grande. Il y avait en France comme un besoin de se laver de cette guerre pendant laquelle le comportement d’une grande partie du peuple français n’avait pas été très digne.

Mon père et apparu à ce moment sur les scènes de théâtre. Il a incarné cette pureté, cette jeunesse, il a joué les rôles d’hommes braves, courageux, héroïques même. (Ruy Blas, Le Cid etc). Le peuple français s’est reconnu en lui. Il y a eu entre eux une réelle osmose, comme un mariage, si vous voulez.

Le second élément qui me parait important pour comprendre cet engouement est la situation politique de l’époque.
Deux camps s’opposaient alors farouchement : le bloc soviétique (communiste) conduit par la Russie et les libéraux (capitalistes) conduits par l’Amérique. L’union soviétique avait pris sous son aile des pays voisins (Pologne, Hongrie, etc) et faisait très peur au reste du monde. Deux « idéaux » s’opposaient : le communisme et le capitalisme. Il fallait être d’un côté ou de l’autre. En gros, le règne de l’homme d’un côté et celui de l’argent de l’autre. Mon père a choisi d’être « compagnon de route » des communistes. Il a aimé ces idées généreuses (« à chacun selon ses besoins »), il a pensé qu’une autre façon de vivre, plus large, plus altruiste, était possible.

Aujourd’hui, seul Cuba vit encore sur un modèle économique communiste et l’ensemble des gouvernements de la planète a choisi de vivre selon un modèle capitaliste. C’est « La voie unique ». Mais à l’époque, certains intellectuels français ( Simone Signoret, Yves Montand, etc) et pas des moindres, défendaient âprement le modèle communiste. Ils ne savaient pas les horreurs commises par ces gouvernements communistes (il faut que vous lisiez « l’aveu ») et, de toute bonne foi, pensaient défendre une cause juste.
C’est alors qu’un événement incroyable vient ouvrir leurs yeux : en Novembre 1956, les chars russes entrent dans Budapest (en Hongrie, pays ami de la Russie) et écrasent une insurrection populaire. Les Soviétiques tuent 30000 Hongrois qui se révoltaient contre leur régime dictatorial. Soudain, un doute terrible a envahit l’esprit de ces intellectuels, de ces ouvriers, de ces professeurs qui défendaient le communisme et ignoraient le réalité des faits. Mon père a fait partie de ces hommes qui se sont mis à douter. Il est mort en 1959, trop tôt pour voir l’effondrement de la théorie communiste.

Dans sa vie, une femme a beaucoup compté : ma mère, Anne PHILIPE.
Elle l’a rencontré en 1947 mais était déjà mariée et mère d’un petit garçon (Alain, mon demi frère). Son mari était en poste à Nankin, en Chine, et elle a donc beaucoup voyagé. Ma mère est née en 1917 en Belgique –je suis à moitié belge- et a donc 5 ans de plus que mon père.
Elle est une intellectuelle, très pointue, très engagée à gauche. C’est elle qui donne « une colonne vertébrale » à mon père, qui lui apprend à être exigent dans ses choix de rôle, dans ses choix d’homme. Avant de la rencontrer, il est une vedette, elle en fera un mythe. Ils sont un couple uni et ont deux enfants : Olivier (1956) et Anne-Marie(1954).

Je vais maintenant tacher de répondre à vos questions.

Voyiez-vous souvent votre père quand vous étiez petite ?
Oui, je voyais sûrement mon père souvent quand j’étais petite, il était très présent et sa vie de famille comptait beaucoup. Il avait besoin de cet équilibre. Mais je n’avais que 4 ans quand il est mort et je n’ai aucun souvenir de lui.

Viviez-vous tranquillement malgré les journalistes ?
Ma vie de petite fille avec les journalistes était très compliquée. Je devais traverser le jardin du Luxembourg pour aller à l’école et je me vois encore me cacher derrière les arbres pour échapper aux photographes. C’est un très mauvais souvenir. Sinon, nous vivions assez tranquillement.

Quel film parmi ceux dans lesquels votre père a joué préférez-vous ?
J’aime tous les films dans lesquels il a joué mais j’ai une tendresse particulière pour « Monsieur Ripois » où il joue un séducteur cynique mais si émouvant.

Parmi les autres activités qu’il avait (théâtre, disques..), laquelle était la plus importante pour lui ?
Son activité la plus importante était le théâtre même s’il tournait beaucoup de films. Sur scène, on est face au public, pour de vrai : on l’entend respirer, tousser, rire. Tous les gens qui l’ont vu jouer au théâtre disent qu’il était unique.

Est-ce que votre filiation a déterminé le choix de votre carrière ou pas du tout ?
Je suis aussi comédienne, j’ai fait beaucoup de théâtre quand j’étais plus jeune.
Et j’ai tourné pour la télévision et le cinéma.
J’ai ensuite rencontré mon cheval, Danseur, et commencé à travailler la Haute Ecole (quand le cheval danse et marche de côté).
Aujourd’hui, je considère que mon métier est de « créer ».
J’ai alors imaginé d’écrire des livres pour les jeunes et de raconter les histoires de Danseur.
J’ai publié 14 albums des aventures de Danseur chez Gallimard Jeunesse.

Le 4 Novembre sort chez Stock un livre d’entretien avec Véra Belmont (L’hirondelle du faubourg) que j’ai écrit et qui raconte la vie de cette femme incroyable. Lisez le, je suis sûre qu’il vous plaira.

Voilà, j’espère que vous avez quelques réponses à vos questions.

Merci de votre travail et à bientôt !

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