L'adolescence de Jane Debenest, petite fille d'Ernest Pérochon publié le 09/12/2014

Nous avons interrogé Jane Debenest pour notre article Nouvelle République et ses réponses ont été très riches. Nous les publions donc au complet sur le site. Merci encore à Mme Debenest de sa disponibilité !

Jane Debenest est la petite fille d’Ernest Pérochon, grand écrivain niortais récompensé d’un prix Goncourt en 1920 pour son roman Nêne. Née le 21 janvier 1937, Jane a travaillé dans la diplomatie puis elle fut ambassadrice jusqu’en 2002. Elle est très active dans le tissu associatif niortais avec l’association « Les amis des musées de Niort ».

photo du logo : sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc ( escale à Trinidad et Tobago à Noël fin des annés 80)

Depuis quel âge vouliez vous faire le métier que vous exercez aujourd’hui ? Quel était votre rêve quand vous étiez adolescente ? L’avez-vous réalisé ?
Mon métier, la Diplomatie, m’a fait visiter le monde et m ’a conduite jusqu’au Japon. Un métier passionnant, fascinant, pas toujours facile mais très enrichissant ; un métier qui demande, certes, beaucoup si l’on veut vraiment s’y engager ; mais cela en vaut la peine.
Je ne savais pas en quoi consistait le travail d’un diplomate avant de m’engager dans cette voie, en dehors du fait que sa mission de fond était de chercher des solutions pacifiques aux problèmes internationaux.
Quand j’étais adolescente, je rêvais plutôt de biologie, ou d’archéologie, de plantes, d’insectes, de coquillages , de fossiles, d’objets de fouille. J’avais, attenant à ma chambre, un petit cabinet où je gardais mes collections de coléoptères, mon microscope, un élevage d’araignées qui désespérait ma mère, une famille de cobayes qui terrorisait ma grand mère et quelques fossiles.
Je lisais avec passion Fabre et des ouvrages sur la Grèce, la Rome antique et l’Egypte des Pharaons.
Je rêvais de voyages et d’expéditions.
J’ai découvert la Diplomatie bien plus tard, en Préparation ENA et à l’Ecole des Langues Orientales .
Un conseil : si vous le pouvez, choisissez ce métier, c’est un merveilleux métier. Se frotter à d’autres cultures ouvre l’ esprit et enseigne la tolérance. Savoir que vous avez été l’une des petites « fourmis » dont le travail a contribué à résoudre une crise grave ou, dans un autre domaine, à emporter un marché important pour la France est extrêmement gratifiant. On ne parle jamais, ou rarement ( et c’est normal) du travail des diplomates dans ces cas là. Je peux vous dire, cependant que ce travail est essentiel.
Dans quelle ville viviez-vous ? Si vous habitiez à Niort, quels établissements scolaires avez-vous fréquentés ? Que vous apporté l’école à cette période ?
J’habitais à Niort, 25 av. de Limoges, dans une grande maison dotée d’un grand parc avec des arbres superbes, plein d’oiseaux et de fleurs ; il y avait aussi, je me souviens, en été, des cigales dont nous ramassions , mon frère et moi, les mues sur la pelouse, sous le magnolia. Comme ma mère avant moi, j’allais au Lycée de Jeunes Filles , en face de la maison de mes grands parents et de mes parents, lycée qui
est devenu le Musée Bernard d’Agesci ( que je vous conseille vivement de visiter si vous ne l’avez pas encore fait). Mon frère, lui, traversait le jardin pour aller au Lycée Fontane.
Habiter si près du Lycée était bien agréable les jours de pluie ou de froid. Par contre, pas question d’aller flâner avec les « copines » dans les rues de la ville ! Quelques virées, cependant, de temps en temps, à la bibliothèque.
Au Lycée, nous portions une blouse bleue une semaine sur deux et rose/rouge l’autre semaine ; les chaussettes étaient la règle et le maquillage interdit, ce qui ne nous posait aucun problème. La discipline n’était pas très sévère. Je pense qu’aucune d’entre nous n’a gardé un mauvais souvenir de son passage au Lycée. Certaines y avaient fait toutes leurs études et étaient devenues de véritables amies. Nous travaillions beaucoup, certes, mais sans jamais nous abrutir. Nous avions la chance d’avoir de bons professeurs et même des professeurs exceptionnels : je pense particulièrement, à Huguette Gelot , professeur de Français, Latin, Grec dont les cours originaux étaient un bonheur ; elle les illustrait de petits voyages à Saintes, Sanxay, Maillezais, dans les châteaux de la Loire, chez Ronsard..
Elle nous faisait jouer l’Iliade et l’Odyssée que nous travaillions en cours... Certes, tout le programme n’était pas aussi approfondi, ce qui n’empêchait, cependant, pas ses élèves d’avoir les meilleurs résultats.
Elle fut pour nous toutes un véritable « Maitre » et nous avons gardé des contacts avec elle bien après le lycée.
Ce que m’a apporté l’école ? Outre un important bagage de connaissances, le goût de la lecture et de la découverte d’abord, puis , pêle mêle, le sens de la discipline, du respect, de l’initiative, l’apprentissage de la vie en société, le goût de la recherche, la valeur du mot amitié et du mot responsabilité, une certaine forme d’indépendance à l’égard de la famille. En bref, j’y ai acquis des bases solides pour ma vie future.
Avez-vous vécu une adolescence difficile ? Si oui, pourquoi ? Étiez-vous toujours en accord avec vos parents ? Si non, sur quels sujets en particulier ?
Je me souviens avec beaucoup de tendresse de mon adolescence. Mon enfance avait été perturbée par la guerre, par la mort de notre grand père que j’adorais et par la déportation en Allemagne de notre père, résistant ( j’avais alors 7 ans et mon frère 2 ans) Pendant pratiquement un an, nous n’avons pas su où il était ni s’il était encore vivant. Ravalant leurs larmes, ma mère et ma grand mère rassemblèrent tout leur courage pour que nous ne manquions de rien et pour nous donner, à mon frère Jean et à moi-même, la vie la plus sereine possible . Le retour de mon père, début Mai 1945, un vrai miracle, fit à nouveau briller le soleil. Mais mon frère et moi, n’avons jamais oublié.
Malgré cela, je peux dire que j’ai eu une adolescence très heureuse au milieu d’une famille aimante et chaleureuse et avec la compagnie d’un petit frère adorable et complice. Nous avons été tous les deux gâtés . Je me souviens du soutien que nous apportaient nos parents, le soir, quand nous avions un exercice un peu difficile ou un texte que nous n’avions pas compris. Notre mère avait appris le Grec pour pouvoir nous aider !! Notre père se chargeait de l’anglais. Grand mère et son ouvrage apaisait nos angoisses à la veille des interrogations.
Des différends, nous en avions parfois, comme il y en a toujours dans une famille ; mais ils ne portaient que sur des broutilles. Et je serais bien en peine de vous en citer un seul. Peut-être, lorsque j’étais en Première ou en Philo, étions nous rentrés un peu tard ( 2 ou 3 heures du matin) d’une soirée chez des amis. Mais rien de bien grave !
Quels loisirs aviez-vous ? Les pratiquez-vous toujours ?
Nous avions des loisirs simples. Notre santé, à tous les deux, ne nous permettait pas de faire beaucoup de sport. Je dessinais , je peignais, je jardinais et je lisais beaucoup. Mon frère et moi accompagnions notre père sur la rivière pour y poser des nasses et des filets. A part le jardinage que j’ai repris à ma retraite, et la lecture, j’ai tout abandonné, pendant ma carrière mais me suis mise à l’équitation et au kendo !
Un mot pour les courts séjours que je faisais en Charente Maritime, chez une cousine que nous appelions Tante Suzanne qui possédait un haras de baudets. Toute une aventure, qui restera pour moi, l’un des souvenirs les plus chers de mon adolescence avec nos vacances chez notre arrière grand mère, une paysanne courageuse, fière et intelligente, qui avait une maison à La Forêt sur Sèvre au bord de la Sèvre Niortaise. Je m’y adonnais à ma passion pour les Sciences Naturelles et la majorité de mes collections de coléoptères ont été constituées là-bas. Mon frère et moi y passions, enfin, de longues heures à taquiner les poissons. C’était une vie simple et douce dont nous dégustions chaque minute.
Et, croyez moi, cela remplaçait avantageusement les vacances à la mer et à la montagne !
Quels conseils donneriez-vous aux adolescents d’aujourd’hui ?
Je n’ai pas vraiment de conseils à donner aux adolescents d’aujourd’hui, si ce n’est d’être attentifs à ne pas gâcher ces années qui sont, pour leur vie future ( vie professionnelle et vie personnelle) les plus importantes. Étudier sérieusement. Surtout, ne pas se laisser séduire par le clinquant, le facile, le médiocre, les drogues, l’alcool. Apprendre à vivre dans la société, respecter les autres quels qu’ils soient, si l’on veut être, à son tour, respecté. Acquérir le bagage de connaissances le plus important possible pour plus tard, lire, lire ! Ne jamais céder au découragement ; le soleil finit toujours par briller ! Ne jamais baisser les bras. Rester « droits dans ses bottes »

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