Dossier Serge GAINSBOURG publié le 30/10/2008  - mis à jour le 01/12/2008

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Serge GAINSBOURG

Voici un article d’après Philippe Barbot (in Telerama n°2668 du 28 février 2001 page 26-28) qui récapitule la carrière de Serge Gainsbourg, dans un style allusif et ludique qui n’est pas étranger à l’artiste.

Serge Gainsbourg est né en 1928. Enfant, à Paris, il découvre la musique grace à son père qui est pianiste de bar et à la chanteuse réaliste Fréhel qui le prend en sympathie. (voir la bio de Fréhel avec l’interview de Gainsbourg).
En 1958, Gainsbourg a déjà 30 balais lorsqu’il débarque dans le petit monde de la chanson française en plein règne Brassens Brel. Evidemment, avec son physique en lame de couteau et ses rimes au cran d’arrêt, l’individu tranche. Inspiré par les prestations scéniques de Boris Vian, l’ex pianiste d’ambiance du Milord L’arsouille, s’est composé un personnage de dandy cynique et cinoque, misogyne et misanthrope, à l’humour aussi noir qu’un pilier de bistrot à l’heure de la fermeture, qui reluque avec un rictus dédaigneux les”p’tites pépés”, les “baths mômes” et les “jolies poupées”. Ses deux premiers disques, orchestrés par Alain Goraguer, brocardent surtout l’inconstance féminine (“La femme des uns sous le corps des autres”, Jeunes femmes et vieux messieurs”, Indifférente”, “Sois belle et tais toi”) sur fond de swing pervers, de mambo bossu ou de cha-cha-cha pas chien. Déguisé en poiçonneur délicat, en déménageur de pianos ou en claqueur de doigt devant le juke-box, Gainsbourg se fait le chantre alcoolisé de l’existentialisme aquoibonniste, entre deux escapades surréalistes (“La jambe de bois”, Mambo Miam Miam”) et quelques scénarios de polars de gare (“12 belles dans la peau”, “Du jazz dans le ravin”). Les femmes le quittent et pas question qu’il les acquitte, même s’il a “l’eau à la bouche” et du jazz dans son vin.

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En 1961, le troisième album intitulé “L’étonnant Serge Gainsbourg” le voit célébrer ses poètes préférés : “La chanson de Prévert” (Jacques Prévert), “Le rock de Nerval” (Gérard de Nerval),“Chanson de Maglia” (Victor Hugo), “Le sonnet d’Arvers” (Félix Arvers), “Baudelaire - le serpent qui danse” (Charles Baudelaire). Ce qui ne l’empêche pas de décocher un hommage carabiné à Pancho Villa et de décréter que, décidément, les femmes c’est du chinois. Le Gainsbourg bidouilleur de syntaxe toxique apparait plus insolemment dès le disque suivant : roi du jeu de mot (“ce grand méchant vous”) César de la césure (“Tu n’es qu’un appareil à sou / Pirs”), avec sa ration d’allitérations (“La javanaise”), ses griffes à l’orthographe (“En relisant ta lettre”) et ses emprunts sexy à l’anglo-saxon (Black trombone”, “Intoxicated Man”).
Musicalement le bougre reste à l’affût, rompant résolument avec les accords plan-plan qui sont le rituel rata des chanteurs à texte.

Après avoir bamboché sur des musiques Sud Américaines, c’est en compagnie d’un simple duo de jazz (guitare / basse) qu’il enregistre l’album “Confidentiel”, en 1963, pendant que le Yé-yé naissant fait jouer les yoyos à ses confrères. L’année d’après, il se pose même en pionnier de la world music avec un pétulant disque de rythm and brousse intitulé “Percussions” : de “Couleur Café” en “New York USA”, entre tam-tams vaudous et bruits de la jungle urbaine, Gainsbourg se frotte aux tropiques, pompe l’Afrique et s’offre un rab de Caraïbes.
L’homme qui déchante mais fait deouis longtemps chanter les femmes (Michèle Arnaud, Anna Karina, Juliette Gréco, Isabelle Aubret,...) s’offre même le luxe de remporter le concours e l’Eurovision en 1965, par l’entremise de France Gall et sous les couleurs du Luxembourg (“Poupée de cire, poupée de son”). Entre Brigitte (“Bonnie and Clyde”, “Harley Davidson”, Initials B.B.”) et Jane (“Je t’aime moi non plus”), le séducteur clope au bec papillonne de tubes comico-épiques (“Comic strip”, Dc Jekyll & Mr Hyde”) en 45 tours érotico-fastoches (“La décadanse”, “69 année érotique”) en passant par des musiques de films (“Le Pacha”, avec son syncopé “Requiem pour un C.” considéré comme l’ancêtre du rap français, mais aussi “Manon 70”, “Ce sacré Grandpère” et même le feuilleton “Vidocq”...) avec une indolente facilité : détournement “d’art mineur” comme il dit nonchalamment, lui le major vacciné...

“Melody comment ?” Nelson, affirmatif. En 1971, alors qu’on le croit définitivement abonné aux frasques pour Hit-Parades estivaux, le fiancé de Jane publie soudain son grand œuvre : un concept album comme on dit chez les brittaniques, chez qui il est allé, justement puiser sons et inspiration. Sous prétexte d’une histoire d’amour sulfureuse entre un quadra désabusé (c’est lui) et une lolita délurée (c’est elle), Gainsbourg a concocté un véritable opéra pop qui transporte l’auditeur de bordel londonnien en jungle de Papouasie, de Rolls en Boeing, de rock baroque en “violonades “ acides. Sous la houlette musicale de Jean Claude Vannier, le Serge laconique y développe son fameux talk over, ce susurrement frémissant à la psalmodie vénéneuse qu’il adoptera plus tard définitivement. Un album devenu un classique, qui influencera plusieurs générations d’artistes de chez nous, d’Étienne Daho à Air.

Ce qui n’empêche pas notre nouveau pape du Pop de publier deux ans après (1973) une sorte d’anthologie caca-boudin intitulée “Vu de l’extérieur”, où il peaufine son personnage scato-porno à coups de contrepèeries gazeuses et vaseuses (“Des vents, des pets, de poums”, “Titicaca”, “Panpan cucul”, “Pamela Popo”, “La poupée qui fait”) Seule exeption à ce festival pétomane, le délicat “Je sui venu te dire que je m’en vais”.

En 1975, il est pourtant tojopurs là, et secoue à nouveau le Landerneau de la chanson avec “Rock around the Bunker”, sorte de provoc’n’roll binaire et barbelée, où nazi rime avec noisy, Adolf avec catastrophe. Cetalbum en forme de jeu de massacre et d’exorcisme où il remue la nuit des longs couteaux dans la plaie nazie avec une rage et un humour décvastateurs est trop en avance sur les années Punks : il passe inaperçu.

L’année d’après, “L’homme à tête de chou” au titre inspiré d’une statue “moitié légume moitié mec” sculptée par Claude Lalanne renoue avec le lyrisme conceptuel de “Melody Nelson” : cette fois l’héroïne se nomme Marilou, et ses aventures, entre Alice psychédelliques et Barbarella trash, onirisme et onanisme, déconcertent le public. “Le Show-biz est un cahier d’écolier et moi je crayonne en rouge dans la marge”, se borne à constatater l’auteur. Ce disque est pourtant l’un des plus aboutis du Gainsbourg démiurge et conteur. On y entend même les prémices d’un rythme qui va l’occuper pendant trois ans : le Reggae.

Kingston, Jamaïque. C’est là que notre rasta secoué va enregistrer ses deux albums suivants : “Aux armes et cætera” (1979) et “Mauvaises nouvelles nouvelles des étoiles” (1981). Avec la crème des musiciens du coin, comme l’incontournable tandem rythmique Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, une partie de l’orchestre de Peter Tosh et les chœurs de Bob Marley. Gainsbourg le consommateur de Gitanes au pays des amateurs de ganja, la confrontation est fumante. Et pas unique ment à cause du pseudo sacrilège de la “Marseilleise” recolorée. Car ce pélérinage chez Jah est prétexte à la fois à séduire une nouvelle génération d’auditeurs et à un retour scénique, attendu depuis près de 20 ans : Gainsbourg, l’homme à la tête de chou et aux rythmes de caoutchouc, écrase à nouveau ses mégots en public : la vieille canaille a désormais de jeunes fans.

Chez Gainsbourg / Gainsbarre, tout va décidément par paires : après son dyptique jamaïcain, c’est du côté de New York USA ‘Oh c’est haut !”) que notre Mickey Maousse s’en va chercher de nouvelles nourritures musicales pour ses 2 prochains disques. Il en rapportera en 1984 une e sorte d’électro-funk acéré, lardé de guitares et de basses syncopées (Billy Rush) de synthés sauteurs (Larry Fast) et de chœurs à l’ouvrage (frères Simms). “Love on the Beat” (à l’étonnante photo de pochette signée William Klein) est une ode urbaine à l’ambigüité sexuelle où s’entrecroisent gay lurons (“I’m the boy”) et hétéro ploucs (“No comment”), le peintre Francis Bacon (“Kiss me hardy”) et Frédéric Chopin (“Lemon incest”), amours mortifères (“Sorry angel”) et autocaricature paresseuse (“Harley Davidson of a bitch”).

L’année suivante, “You’re under arrest” (titre emprunté au célèbre tropettiste de jazz Miles Davis) jouera dans le même registre, avec la reprise de “Mon légionnaire”, jadis chanté par Edith Piaf et l’émouvant plaidoyer anti-drogue “Aux enfants de la cance”. Ce sera sa dernière empreinte. Il projetait d’enregistrer son disque suivant à la Nouvelle-Orléans avec des musiciens de Bob Dylan...

Ecce homo (voici l’homme) : provocateur et séducteur, reycleur et novateur, homme à gammes et obsédé textuel. Auteur illimité et Pygmalion tous terrains (de Chamfordà Bashung, d’Adjiani à Paradis...) qui nous laisse des monceaux de souvenirs : des bluettes et des chefs-d’œuvre, des scies et des standards dans la canaillerie et la classe. Le plus bel affreux de la récréation.



QUESTIONNAIRE :
1) Recensez les différents albums sous son nom qui ont marqué sa carrière - par années - en répertoriant les chansons qu’ils contiennent. Vous pouvez compléter en en cliquant sur le lien (descendre dans la page...
2) Citez les références ou influences musicales qui ont inspiré Serge Gainsbourg
3) Cherchez dans l’article et au delà (voir ci dessous) des preuves du talent d’homme de lettres et de féru de beaux arts dans les textes de ses chansons.
Pour vos recherches vous pouvez compléter votre documentation en utilisant des livres, les cd, les dvd ou tout autre support par le biais d’internet ou de la médiathèque Crépeau (assez fournie sur le sujet, notamment un excellent double DVD)

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Quelques liens sur les chansons étudiées

Gainsbourg pianiste de jazz joue "All the thing you are"

Les premières chansons
"La javanaise"
"Le poinçonneur des Lilas"
Version Hip Hop
Version Quintet de Jazz

Boris Vian "J’suis snob"

Impression

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Auteur

 M.PLOQUIN

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